Wednesday, March 31, 2010

La fonction d’« on » et d’« ils » dans La Nausée

Dans son œuvre La Nausée, le narrateur fait une distinction entre les attentes de la société et sa marginalisation. Ce décalage se manifeste dans les pensées du narrateur et dans la syntaxe du roman, avec l’utilisation d’« on » et d’« ils » surtout. Quand le narrateur se promène dans la rue Tournebride à la page 70, il décrit la scène avec une perspective très externe qui caractérise le sens d’exclusion : « Il ne faut pas être pressé », « Quelquefois on gagne un rang », « On fait halte », « On repart » (70). Dix pages plus tard, le narrateur raconte ce que les gens font le dimanche, une réflexion qui suggère déjà un sens d’obligation de ce qui est « normal » et attendu de la société : « Le dimanche on va au cimetière… ou bien l’on rend visite à des parents, ou bien, si l’on est tout à fait libre, on va se promener sur la Jetée. J’étais libre : je suivis la rue Bressan qui débouche sur la Jetée Promenade » (80). L’utilisation du pronom « on » dans toutes ces reprises souligne comment la syntaxe fonctionne pour créer un sens de marginalisation des coutumes et de la société chez le narrateur. Le « on » signifie tout le monde sauf lui. Cette idée d’exclusion est renforcée quelques pages plus tard, pas seulement par la syntaxe et le structure des pensées du narrateur, mais par ses propres sensations : « Mais, après tout, c’était leur dimanche et non le mien » (83).

Un peu plus tard dans le roman, le narrateur raconte un après-midi dans un restaurant où il prend son petit-déjeuner. Comme d’habitude, la narration se focalise sur les autres gens qui sont aussi là pour prendre le repas. Contrairement à auparavant quand le narrateur a utilisé le pronom « on » pour illustrer le sens de communauté et des attentes de la société, il narre cette scène avec le pronom « ils » dont l’utilisation souligne encore, mais d’une manière un peu différente, le sens de marginalisation du narrateur :

« Les gens sont dans les maisons, ils ont allumé aussi, sans doute. Ils lisent, ils regardent le ciel par la fenêtre. Pour eux… c’est autre chose. Ils ont vieilli autrement. Ils vivent au milieu des legs, des cadeaux et chacun de leurs meubles est un souvenir… Ils ont des armoires pleines de bouteilles… » (99).

C’est ainsi que la syntaxe de la narration suggère un aspect fondamental dans le roman : le narrateur a le sens d’être marginalisé des attentes de la société et de la conduite « normale » des gens. Il existe un décalage entre le narrateur et les autres, ce qui suggère la différence fondamentale entre la solitude et la société.

Sartre, « La Nausée » (pages 66 à 106)

Monday, March 29, 2010

Les connaissances et le savoir au début de La nausée

La première fois dans le roman La nausée que le lecteur apprend des choses sur l’Autodidacte (qui on apprend à la page 18 s’appelle Ogier P…), est quand il veut voir les photos de voyage du narrateur. Dans une conversation (plus ou moins avec lui-même), l’Autodidacte, qui est en train de lire tous les livres dans la bibliothèque, décrit ses pensées sur la manière dont on doit apprendre des choses : « Si ce qu’on dit est vrai, les voyages sont la meilleure école » (57). À la prochaine page, l’Autodidacte demande au narrateur ce qu’il pense des coutumes des autres est si c’est « une seconde nature » (58). Après le narrateur répond qu’il ça dépend, l’Autodidacte nie effectivement ce qu’il a dit auparavant : « C’est aussi ce que je me disais, monsieur. Mais je me défie tant de moi-même ; il faudra avoir tout lu » (58). Ce qui est intéressant dans cette partie du roman et qu’il ne semble pas que l’Autodidacte peut distinguer très bien entre les connaissances (l’expérience) et le savoir (ce qu’on apprend des livres, par exemple). Bien qu’il explique qu’il voudrait « préciser certaines connaissances » et qu’il aimerait que « l’inattendu, du nouveau, des aventures » lui arrive, il continue à définir des choses en matière des livres, du savoir. Quand le narrateur lui demande quel type d'aventure il chercher, l’Autodidacte s’explique comme si l’aventure pouvait être classifié comme le savoir : « Monsieur, j’ai cru qu’on pouvait définir l’aventure : un événement qui sort de l’ordinaire, sans être forcément extraordinaire » (59).

À mon avis, la plus grande différence entre ces deux personnages, l’Autodidacte et le narrateur, est qu’il semble que l’Autodidacte peut tout définir en matière des livres et du savoir, tandis que le narrateur n’a pas la même capacité de le faire. Par exemple, après leur conversation de l’aventure, le narrateur ne peut pas décider ce qui est la nature du mot « aventure » ni s’il a jamais eu une aventure. Toutes ces pensées lui mènent à la conclusion qu’il existe un décalage fondamental entre vivre et raconter, la vie et l’aventure et même l’être humain (la solitude) et la société.

Sartre, « La Nausée » (pages 13 à 66)

Monday, March 22, 2010

La fillette aux yeux noirs

Près de la fin de la partie du roman qui s’appelle Combray, le narrateur raconte un moment dans son enfance où il est en train de promener avec sa famille à travers les champs qui appartiennent à Monsieur Swann. Tout au long de la promenade, le narrateur est complètement fasciné par les fleurs et les odeurs de l’été qu’il n’aperçoit pas tout de suite la fillette qui le regard. Cette fillette fait grande impression à lui, même plus que la beauté des fleurs : « Tout à coup, je m’arrêtai, je ne pus plus bouger, comme il arrive quand une vision ne s’adresse pas seulement à nos regards, mais requiert des perceptions plus profondes et dispose de notre être tout entier » (Proust, 186). C’est ainsi que la fille que le narrateur rencontre au champ demande à lui plus qu’un regard simple, mais plutôt l’attention de tout de l’être : l’esprit, le physique, l’émotionnel et l’imagination. L’intensité de ce regard est renforcée par les yeux noirs de la fillette qui « réduit en ses éléments objectifs une impression forte » (Proust, 186), ce dont le narrateur se souvient pour les années à venir. C’est la couleur noire qui est la chose la plus frappante chez la fille et qui fait le narrateur tomber amoureux d’elle : « Si elle n’avait pas eu des yeux aussi noir—ce qui frappait tant la première fois qu’on la voyait—je n’aurais pas été, comme je le fus, plus particulièrement amoureux, en elle, de ses yeux bleus » (Proust, 186). Cependant, ses yeux sont plus que seulement des yeux pour le narrateur : « Ce regard n’est pas que le porte-parole des yeux, mais à la fenêtre duquel se penchent tous les sens, anxieux et pétrifiés, le regard qui voudrait toucher, capturer, emmener le corps qu’il regarde et l’âme avec lui » (Proust, 186). Pour le narrateur, les yeux de cette fillette ont un pouvoir incroyable qui le rend impuissant, lui. Même s’ils se regardent à travers un champ et qu’aucun mot n’est prononcé, il semble que la vie du narrateur est changée seulement par le regard de cette fillette et ses yeux noirs.

Proust, « Du côté de chez Swann » (pages 152 à 200)

Wednesday, March 3, 2010

Le rôle des perceptions sensorielles dans « Du côté de chez Swann »

Le thème des perceptions sensorielles est clair dès le début de « Du côté de chez Swann », mais quand même un peu subtil. Je me concentre sur un passage en particulier, dans lequel l’évocation du narrateur des odeurs marque les actions physiques dans la mémoire du narrateur. Ce passage se trouve à la page 71, quand M Swann est venu rendre visite à la famille du narrateur. Comme d’habitude, le narrateur doit se coucher pendant la soirée, mais il est très inquiet à propos du baiser qu’il reçoit habituellement de sa mère. Quand son père l’envoie au lit sans le baiser de sa mère, le narrateur est extrêmement malheureux. Sa description de l’ascension de l’escalier pour se coucher est inondée avec sa perception de l’odeur de l’escalier :

« Cet escalier détesté où je m’engageais toujours si tristement, exhalait une odeur de vernis qui avais en quelque sorte absorbé, fixé, cette sorte particulière de chagrin que je ressentais chaque soir et la rendait peut-être plus cruelle encore pour ma sensibilité parce que sous cette forme olfactive mon intelligence n’en pouvait plus prendre sa part » (Proust, 71).

C’est intéressant à remarquer que le narrateur fait une association entre sa tristesse de ne pas recevoir un baiser de sa mère et l’odeur de l’escalier qu’il monte pour aller se coucher. Chaque fois qu’il sent l’odeur de vernis, le narrateur sent malheureux, tout en relation avec son désir pour l’amour de sa mère. On peut donc dire que les perceptions sensorielles jouent un rôle très remarquable, non seulement dans les actions physiques, mais aussi dans les souvenirs (car cet épisode prend parti d’un souvenir de l’enfance du narrateur).

En lisant le début du roman, il me semblait qu’il y avait un sens (subtil, mais quand même très indéniable) érotique à propos des désirs du narrateur pour sa mère. Est-ce que c’est innocent ?

Proust, « Du côté de chez Swann » (pages 45 à 75)

Monday, March 1, 2010

La mort d’Emma : une évasion de la réalité dans une fin romantique

À la fin du roman « Madame Bovary », Emma se trouve dans une situation extrêmement grave : elle doit une somme énorme à Monsieur Lheureux, dont elle ne peut pas payer. Même si c’est cette dette qui la conduit à se suicider finalement, elle l’accomplit dans une manière romantique, ce qui est évident quand elle prend la décision de se tuer : « Elle ne se rappelait point la cause de son horrible état, c’est-à-dire la question d’argent. Elle ne souffrait que de son amour… un transport d’héroïsme la rendait presque joyeuse» (Flaubert, 405). En choisissant de terminer sa vie, elle se fait croire qu’elle périt pour l’amour. En fait, c’est peut-être la seule chose qu’elle fait tout au long du roman qui peut être considéré comme étant romantique. D’abord, il semble qu’elle ne voit que le drame et la beauté dans sa mort :

« Elle tourna sa figure lentement, et parut saisie de joie à voir tout à coup l’étoile violette, sans doute retrouvant au milieu d’un apaisement extraordinaire la volupté perdue de ses premiers élancements mystiques, avec des visions de béatitude éternelle qui commençaient » (Flaubert, 417).

Ensuite, à côté de son lit de mort est Charles, la seule personne qui n’a jamais l’aimée :

« Et elle lui passait la main dans les cheveux, lentement. La douceur de cette sensation surchargeait sa tristesse ; il sentait tout son être s’écrouler de désespoir à l’idée qu’il fallait la perdre, quand, au contraire, elle avouait pour lui plus d’amour que jamais » (Flaubert, 410).

De plus, pour Charles, la mort d’Emma est une expérience horrible et extrêmement douloureuse, ce qui est souligné par la narration elle-même. Contrairement à la mort de sa première femme, dont la narration n’a que duré quelques phrases, la mort d’Emma dure pendant une vingtaine de pages. C’est donc évident que l’amour de Charles pour Emma à la fin de sa vie ajoute un élément romantique à la situation, ce qui rend la mort idéale pour Emma.

Flaubert, « Madame Bovary » (pages 384 à 446).