Dans son œuvre La Nausée, le narrateur fait une distinction entre les attentes de la société et sa marginalisation. Ce décalage se manifeste dans les pensées du narrateur et dans la syntaxe du roman, avec l’utilisation d’« on » et d’« ils » surtout. Quand le narrateur se promène dans la rue Tournebride à la page 70, il décrit la scène avec une perspective très externe qui caractérise le sens d’exclusion : « Il ne faut pas être pressé », « Quelquefois on gagne un rang », « On fait halte », « On repart » (70). Dix pages plus tard, le narrateur raconte ce que les gens font le dimanche, une réflexion qui suggère déjà un sens d’obligation de ce qui est « normal » et attendu de la société : « Le dimanche on va au cimetière… ou bien l’on rend visite à des parents, ou bien, si l’on est tout à fait libre, on va se promener sur la Jetée. J’étais libre : je suivis la rue Bressan qui débouche sur la Jetée Promenade » (80). L’utilisation du pronom « on » dans toutes ces reprises souligne comment la syntaxe fonctionne pour créer un sens de marginalisation des coutumes et de la société chez le narrateur. Le « on » signifie tout le monde sauf lui. Cette idée d’exclusion est renforcée quelques pages plus tard, pas seulement par la syntaxe et le structure des pensées du narrateur, mais par ses propres sensations : « Mais, après tout, c’était leur dimanche et non le mien » (83).
Un peu plus tard dans le roman, le narrateur raconte un après-midi dans un restaurant où il prend son petit-déjeuner. Comme d’habitude, la narration se focalise sur les autres gens qui sont aussi là pour prendre le repas. Contrairement à auparavant quand le narrateur a utilisé le pronom « on » pour illustrer le sens de communauté et des attentes de la société, il narre cette scène avec le pronom « ils » dont l’utilisation souligne encore, mais d’une manière un peu différente, le sens de marginalisation du narrateur :
« Les gens sont dans les maisons, ils ont allumé aussi, sans doute. Ils lisent, ils regardent le ciel par la fenêtre. Pour eux… c’est autre chose. Ils ont vieilli autrement. Ils vivent au milieu des legs, des cadeaux et chacun de leurs meubles est un souvenir… Ils ont des armoires pleines de bouteilles… » (99).
C’est ainsi que la syntaxe de la narration suggère un aspect fondamental dans le roman : le narrateur a le sens d’être marginalisé des attentes de la société et de la conduite « normale » des gens. Il existe un décalage entre le narrateur et les autres, ce qui suggère la différence fondamentale entre la solitude et la société.